jeudi 28 août 2014

Chercher plus loin que la solution de facilité: non au torquatus

Depuis quelques jours je suis noyée sous des photos de chiens portant ça:



Dieu merci, il y a des gens pour s'insurger, dire que c'est une torture, expliquer pourquoi et même certains pour donner des alternatives concrètes.
Mais horreur, il y a aussi un bon paquet de personnes pour dire que ce n'est pas grave et même pire, que le collier à pointes est une bonne chose! Et là je suis partagée entre l'envie de mettre un collier torquatus à toutes ces personnes et tirer un bon coup et celle de me terrer dans une grotte sans WiFi. Mais petit à petit mon côté fille de prof reprend le dessus et me voilà à faire un peu de pédagogie. A ma petite échelle de bloggeuse, il est peu probable que je convertisse un grand nombre de personnes, ceci dit il est important d'apporter sa pierre à l'édifice.

Je vais donc vous expliquer par A+B pourquoi le torquatus c'est de la maltraitante (n'ayons pas peur des mots ) et pourquoi ce n'est pas la seule solution qui s'offre aux gens ayant de gros chiens réactifs ou qui tirent en laisse (pour le chien qui tire, la plupart en restent souvent au collier étrangleur et là je vous renvoie ici et ici).

C'est parti mon kiki!

Argument fondamental: un collier à pointes ça fait mal! Sisi, sinon personne ne l'utiliserait et tout le monde en resterait au bête collier en cuir ou en nylon. Qu'est ce que c'est qu'un torquatus: c'est un collier en métal, avec des pointes sur la face interne, qui reposent sur la peau du chien. Si le chien tire, la pression augmente et les pointes s'enfoncent dans la chair. Or, pourquoi certaines personnes mettent elles un tel collier à leur chien? Pour en contenir les élans soudain parce que leur chien est réactif aux vélos, congénères, enfants très souvent, parfois parce qu'il tire en laisse (il arrive même que ce soit juste parce qu'ils trouvent ça trop classe, mais là je déclare forfait). Et pourquoi il "fonctionne" mieux que le simple collier plat qui ornait auparavant le cou du chien? Parce qu'il lui fait mal. Alors, le chien cherche à se soustraire à la douleur et reste stoïque. Certes vous avez fait disparaître les symptômes, votre chien ne se jette plus à corps perdu sur ce qui le rendait fou autrefois (quoi que vous en trouverez aussi qui deviendront encore plus réactif sous l'effet de la douleur). Mais premièrement vous y êtes parvenu en faisant souffrir votre chien, en lui enfonçant des piques de métal dans le cou (sympa non) et deuxièmement vous ne lui avez rien appris, et vous avez certainement même renforcé/développé des troubles du comportement.


Prenons d'abord le cas du chien qui se voit affublé de ce superbe accessoire parce qu'il tire en laisse. Dans la plupart des cas, il va chercher à éviter la douleur qu'il ressent lorsque la pression sur le collier s'accentue. Alors oui il va arrêter de tirer. Mais il ne va pas le faire parce qu'il a compris que ce que vous attendiez de lui c'est de graviter à une certaine distance de vous, celle où il n'y a pas de tension sur la laisse. Il aura simplement compris que là il a mal et ici non. Point. Votre chien ne sait toujours pas ce que marcher en laisse implique, ne connait pas la position Au pied pour autant. Remettez lui un collier plat, tôt ou tard il se rendra compte qu'il n'a plus mal et le petit jeu reprendra de plus belle.
Alors non, le torquatus n'est pas un outil d'éducation, il est simplement un outil de coercition. Avec ce collier vous stoppez certaines actions de votre animal, dans la douleur mais vous ne lui apprenez certainement pas ce que vous attendez de lui.

Parlons maintenant du chien réactif, à qui on met un collier à pointes pour parvenir à le maintenir et éviter ainsi qu'il ne croque les petits voisins ou le jogger qui passe par là. Là encore posez vous la question: Pourquoi est ce que je parviens à juguler les élans de mon dogue de bordeaux de 60 KG avec ce collier alors que je n'y parvenais pas avec son collier en nylon. Parce que vous lui faites mal. Votre chien se jette en avant lorsque vous croiser l'élément auquel il est réactif, les pics s'enfoncent dans son cou et là, sa priorité est de faire diminuer la douleur. Alors il recule. Au fil du temps, beaucoup cesseront de réagir, cela ne signifie pas que vous avez résolu le problème. Vous n'avez pas modifié son comportement vis à vis de ce qui lui pose problème, vous lui avez simplement appris qu'il valait mieux pour lui qu'il ne vous montre pas que cet élément le dérange, qu'il a plutôt à encaisser sans moufter.

Je ne le dirais jamais assez: poser vous des questions! Pourquoi votre chien essaye t il de croquer les gamins, les chiens, les vieux? Dans la plupart des cas c'est parce qu'il en a peur. Dans tous les cas, leur proximité le met dans un état émotionnel inconfortable. Le collier torquatus vous permettra peut être d'améliorer votre propre état émotionnel (diminution du stress, moins de remarque de la part des passants etc) mais certainement pas le sien. Vous ferez disparaître les symptômes du mal, mais pas le mal lui même: votre chien sera simplement inhibé. En état de détresse acquise. Cela signifie que votre chien, ne pouvant contrôler les éléments de son environnement, s'est résigné à en subir les assauts.

Un argument fréquent pour l'emploi de cet outil est : c'est le seul moyen que j'ai de contenir mon chien. Tout d'abord c'est faux, il existe d'autres solutions, comme par exemple un harnais à deux point d'attache. Ensuite aucun objet n'est infaillible, votre chien peut très bien vous échapper un jour. Et puisqu'aucun travail n'aura était pour corriger les problèmes de comportement et/ou désensibiliser le chien, c'est un animal potentiellement dangereux qui sera alors sans contrôle. Si vous craignez vraiment que votre chien ne mange quelqu'un, museler le. Contrairement au torquatus, ça ne fait pas mal et c'est sécurisant.

Je pense avoir résumé (enfin pas tant que ça) ce qui me fait horreur dans le torquatus: le chien a mal physiquement - sinon, ça ne marcherait pas-, on maintient le chien dans son mal être - voire on l'accentue-, ce n'est pas un outil d'éducation - il n'enseigne rien-, et enfin il apporte une sécurité toute relative - que se passe t il si il lâche, si le chien s'égare/se sauve sans lui. En somme c'est une outil de coercition qui fait taire des états émotionnels et des comportements plutôt que les modifier.

Passons maintenant à la bonne nouvelle: une autre voie est possible (rejoignez moi mes frères)! Ce n'est pas que vous ne POUVEZ pas faire autrement, c'est que pour le moment vous ne SAVEZ pas faire autrement (et pour certains vous ne VOULEZ pas, peut être ne voudrez vous jamais). Vous pouvez obtenir un chien qui ne tire pas en promenade, qui n'est plus réactif au contact de ses congénères ou à celui des enfants. Avec la méthode positive vous pouvez lui enseigner ce que marcher en laisse veut dire, vous pouvez lui apprendre à ne plus craindre les enfants, vous pouvez lui apprendre à ne pas chercher le conflit avec les autres chiens. 
Vous aurez besoin de vous équiper c'est vrai, vous devrez vous remettre en question, vous devrez être patient et pédagogue, peut être même que vous devrez demander l'aide d'un professionnel.
 Ce sera plus long et plus dur que de mettre un engin de torture autour du cou de votre chien et de le punir violemment lorsque son comportement vous dérange (et je rappelle qu'il ne sait pas ce que vous attendez de lui). Mais ce sera tellement plus bénéfique. 
Vous n'abîmerez pas votre relation avec votre chien en le faisant souffrir.
Vous lui apprendrez de façon durable ce que marcher en laisse et au pied signifie, et vous pourrez le lui demander en toute circonstance, sans violence.
Vous améliorer son état émotionnel en le désensibilisant à ce qui lui fait peur.
Vous obtiendrez un chien facilement sortable.
Vous serez heureux et lui aussi.

Gardez à l'esprit que si votre chien tire ce n'est pas parce qu'il ne vous respecte pas mais parce que les sorties sont un événement très enrichissant pour lui et qu'il est excité. 
Gardez à l'esprit que si votre chien a parfois un comportement aggressif ce n'est pas parce qu'il vous domine mais parce qu'il est mal à l'aise.
Vous ne modifierez rien en l'empêchant de s'exprimer, en le bridant avec un objet douloureux.
Vous changerez tout en lui apprenant ce que vous attendez de lui et à être bien dans toutes les situations.

Restreindre c'est la facilité, éduquer est la solution pour une vie commune agréable.

Pour vous donner des pistes afin de remplacer votre torcatus par une éducation amicale et parce que je sais que certains diront que la méthode positive ne peut pas fonctionner avec certains chiens (entendez par là les chiens étiquetés gros gabarit et gros caractère), je ferais très prochainement un article pour expliquer précisément ce qu'est la méthode positive. Parce que non je ne suis pas un distributeur de bonbons et oui mes chiens ont des règles.

Bisounours power!



dimanche 10 août 2014

Billet N°4:La sélection en question

Hier je me suis retrouvée aux urgences vétérinaires parce que mon cavalier s'était mis à hurler de douleurs pour d'obscures raisons. Flappy a un syndrome de Chiairi qui est diagnostiqué depuis ses 10mois, apprendre qu'il faisait une crise de douleurs neurologiques n'a donc pas été une réelle surprise. Mais entrer dans le cabinet d'un véto qui ne vous connait pas, dire que votre chien a des douleurs non identifiées et l'entendre dire "C'est un cavalier, ça vient probablement de son cou" avant d'avoir pu lui exposer les antécédents, ça ça fait mal.

Dans la voiture sur le retour nous avons parlé de la sélection des races et je dois avouer que je suis assez catégorique sur le sujet.

Je ne fais pas partie des gens qui pensent que les races sont une hérésie, des packages de maladies plus ou moins horribles, de l'élitisme mal placé ou juste une mauvaise idée de personnes voulant jouer à Dieu.

J'aime le principe des races, le problème c'est que notre sélection actuelle est souvent bien éloignée de ce principe.


Mon chien est peut être splendide au regard du standard de sa race.
Mais il serait bien en mal de m'accompagner n'importe où comme ses ancêtres, parce que je dois adapter son environnement à ses pathologies.

Pourquoi avons nous créé les races? Pour avoir un approvisionnement stable de chiens capables de remplir une tâche. Nous avons sélectionné des chiens pour la chasse au cerf ou au lapin, pour la garde ou la défense, pour protéger nos troupeaux ou pour les mener plus aisément, pour se déplacer ou pour nager à notre place. Bref nous avons sélectionné nos races en fonction de leur utilité pendant des centaines d'années. Et ça nous l'avons oublié…

Combien d'élevages prestigieux n'ont plus que des lignées de show? Le physique prime sur les capacités. Comme si l'apparence d'une race était plus déterminante que son caractère et ses besoins. Et pourtant pourquoi ai-je adopté comme premier chien un cavalier plutôt qu'un beagle, 2 physiques qui me plaisent et un gabarit du même ordre? Parce que je n'avais aucune expérience dans le domaine et ne pouvais pas anticiper mon goût prononcé pour les balades et les sports canins. Alors j'ai choisi le plus Will-to-please et celui qui a le besoin d'activité le moins élevé des deux.
Pourquoi les chiens de policier sont majoritairement des bergers belges malinois? Parce que c'est un chien qui a les capacités physiques et d'apprentissage adaptées à cette tâche.
Pourquoi les bergers ont ils des borders collies et non pas des huskis pour garder leurs troupeaux? Parce que la sélection a fait que les premiers ont l'instinct nécessaire et pas les seconds.

Vous l'aurez compris, ce que je veux dire par là c'est que le coeur d'une race ce n'est pas son physique, ce sont ses aptitudes. Et pour continuer à produire des chiens ayant ses aptitudes, il faut pouvoir mettre les reproducteurs à l'épreuve. Ce qui veut dire que chiens de chasse qui reproduisent doivent chasser, les chiens de troupeaux qui reproduisent doivent troupeauter et les chiens de compagnie qui reproduisent doivent tenir compagnie.

En basant la sélection des reproducteurs sur leur seul physique, nous risquons de perdre l'essence même des races. Et si se retrouver avec un chien de compagnie de nature très indépendante parce qu'il est issue de parents qui n'apprécient pas spécialement le contact humain mais absolument magnifiques aux yeux des juges est triste, un chasseur qui prend un chien pour chasser la bécasse et se retrouve avec un animal qui a peur des coups de feux est dommageable.

De plus, en rejetant les critères d'utilité au second plan, on ouvre la porte à l'hyper type, qui réduit la fonctionnalité des chiens mais fait gagner des prix. Ne me dites pas que c'est faux, regardez les bergers allemands et leurs fesses qui trainent au sol. Ces chiens sont incapables de remplir leur fonction de chien de garde convenablement, mais ils sont champions de beauté.

Je ne sais pas quand j'adopterais un chiot à nouveau, je ne sais même pas quelle sera sa race, mais ce que je sais c'est que je choisirais un chiot dont les parents seront actifs et proches de leur propriétaire. Parce que je pense que c'est en demandant aux chiens de faire ce qu'ils devraient être capable de faire et en les faisant vivre au plus près de nous que nous sommes capables d'estimer si ce chien a les qualités requises pour se reproduire.

Il y a peu de temps une de mes amies, éleveuse de cavalier,  s'est agacée des remarques que certains éleveurs professionnels lui font parce qu'elle même a choisi d'être un élevage familial. Peut être qu'elle n'a pas la connaissance de la race qu'ont certains, n'a pas l'expérience d'un grand nombre de mise bas, n'a pas 15 champions dans son cheptel, mais elle peut se vanter de connaître le caractère ses chiens sur le bout des doigts, de pouvoir déterminer qu'ils ont un problème au tout premier symptôme et de leur offrir la vie pour laquelle nous les avons sélectionné: celle de chiens de compagnie. Et n'est ce pas là le principal?