mercredi 3 février 2016

Quand notre chien doit se mesurer à Lassie

Lorsqu'on prend une décision qui va modifier notre quotidien, nous avons toujours une idée précise de la façon dont cela va se passer. On construit dans notre tête ce nouveau rythme, ce que va nous apporter ce changement et, la plupart du temps, combien on va en être heureux (oui parce qu'à moins d'être masochiste, vous essayez d'avoir une vie qui vous rend heureux). L'adoption d'un chien ne déroge pas à la règle. Nous fantasmons tous la future relation que nous aurons avec notre nouveau compagnon. 
Mais, dans ce cas comme dans tous les autres, il y a toujours un écart entre le rêve et la réalité. Et parfois cet écart est vraiment énorme. Et on est déçu. Ce n'est pas ce qu'on voulait. 
Et il convient de se poser 3 questions:

1/ Est ce que ce que l'on désire est réalisable?

Si vous laissez votre chien seul 20h/jour, que vous ne le sortez que 20min par jour et que vous voulez que le reste du temps il soit bien sage, le problème ce n'est pas le chien, c'est vous. Bon je caricature, mais ce que je veux dire par là, c'est que parfois, les gens sont déçus que leur chien soit un chien. Ce pauvre animal n'a aucun autre tort que d'être de la mauvaise espèce. Même si chaque individu est différent, un chien est un chien, et avant d'en adopter un et de lui faire le reproche de ne pas correspondre à vos attentes, assurez vous de savoir réellement ce qu'est un chien.

Buddy a rendu fou ses maîtres pendant des années:
il mangeait tout! Même les boites de conserve.
Problème qui a totalement disparu dès qu'il a commencé
à sortir de chez lui.



Il y a les gens qui demandent à leur chien d'en faire trop peu, mais il y a aussi ceux qui lui demande d'en faire trop. C'est le problème des gens qui fantasment leur relation avec leur chien à partir de films, reportages ou de la façade que certains donnent sur les réseaux sociaux. Il est fort probable que votre chien ne sera pas Hatchi, qu'il ne vous mènera pas à remporter la CRUFTS d'agility ou sera doté d'un don incroyable et spectaculaire. Mais c'est normal! Les films ne sont que des fictions, les relations maîtres chiens diffusés dans les médias sont coupées et romancées pour montrer ce que l'on veut. Et faire de votre chien un champion dépend en grande partie de vous, cela ne vous tombera pas tout cru dans le bec. Attendre de votre chien qu'il soit objectivement exceptionnel est injuste pour lui et le mettra forcément en échec.


2/ Est ce vraiment le chien qui n'est pas à la hauteur ou nous?

Certains traits de caractère, certains instincts, certains comportements sont innés. Ils sont liés à la génétique du chien. Mais la plupart des choses que nous exigeons de nos chiens relèvent de l'acquis.
Si vos attentes sont raisonnables, mais que malgré ça, cela ne se passe pas comme vous le souhaiteriez, il est fort probable que cela soit votre responsabilité.

Je prends un exemple tout bête mais qui est assez commun: le chien qui vole. La plupart des chiens portent de l'intérêt à la nourriture, si vous en laissez trainer, si il peut l'attraper, pour quelle obscure raison ne le ferait il pas? Cela n'en fait pas de sales bêtes, ils n'ont pas une tare, ils ont juste un comportement normal! Si je laisse 50E sur mon bureau et que je vais passer un coup de téléphone à côté, si mes collègues ne me les volent pas, ce n'est pas parce que ce sont des êtres exceptionnels mais parce que leur éducation leur appris que ce n'est pas un comportement adapté. 

Combien de fois je vois ou entends des "Oh comme il est bien sage le vôtre" ou "Impossible de faire ça avec le mien", "Ce petit con a mangé tout le goûter des enfants" ou "Plus possible de le promener il tire trop" où pointe l'amertume? Alors qu'il n'y a aucune fatalité là dedans. Ce n'est pas votre chien qui n'est pas comme il faut, c'est vous qui n'avez pas fait votre boulot.

Il s'agit là de problèmes de la vie courante, du quotidien mais avec l'essor des sports canins et leur mise en scène de plus en plus fréquente, les exigences sur les performances sportives des chiens sont également de plus en plus fortes. Et par conséquent, les déceptions fréquentes. 
Là aussi posez vous la question. Si votre chien est en bonne santé et équilibré, pourquoi ne veut il pas travailler avec vous, ou pas comme vous le voulez? Probablement parce que vous vous y prenez mal.

Je fais de l'Obérythmée avec Flappy depuis plusieurs années. Il aime ça, c'est l'une des choses qui font qu'il garde le moral, même lorsque son état de santé n'est pas au mieux. Et pourtant j'ai été confrontée plusieurs fois à un manque de motivation. Parce que je m'y prenais comme un manche! Il ne voyait pas où je voulais en venir ou alors je sous estimais la difficulté de ce que je lui demandais et n'ajustais pas mes félicitations en conséquence, forcément le jeu est beaucoup moins marrant dans ces conditions.

Il n'y a pas de coupable à proprement parler dans l'incapacité d'un chien à faire ce qu'on attend de lui (pour le peu que cette attente soit réaliste bien entendu) mais toujours une mauvaise compréhension des motivations et besoins du chien, et par conséquent une réaction inadaptée de notre part ( on réprimande le chien pour ne pas avoir adopté un comportement que nous ne lui avons pas enseigné, nous abandonnons le sport qui pourrait pourtant nous apporter beaucoup faute de résultat).

3/ Est ce grave?

Reste la possibilité qu'effectivement vous ne puissiez pas pratiquer avec votre chien l'activité que vous vouliez initialement. (Je vais parler uniquement ici de sports/ disciplines, car pour ce qui relève de l'éducation de base, il n'y a pas d'impossibilité avec de la cohérence et lorsqu'on respecte les lois de l'apprentissage).

Donc c'est possible. Que ce soit pour des raisons de santé ou parce que vous n'avez pas les compétences pour mener CE chien dans CE sport. Ce qui n'a rien de honteux, canaliser l'excitation/ susciter de la motivation ne sont pas forcément choses aisées et parfois cela demande des connaissances que nous n'avons pas et qui sont difficiles à acquérir. 



J'ai commencé le Frisbee avec Linux.
Et j'ai vite calé.
Plutôt que de me frustrer et de risquer de le
démotiver j'ai choisi d'arrêter en attendant
de suivre un stage.

Parfois, le mieux pour nous, notre chien et surtout la relation que nous avons, est de lâcher les fantasmes et étudier la réalité. Qui est notre chien, qu'est ce qu'il aime, quels sont ses défauts, ses qualités, et trouver l'activité qui nous convient vraiment. Pour que le plaisir soit au rendez vous. Il n'y a pas de conséquence dramatique à devoir renoncer à son idée première. 
C'est inconfortable pour vous, parce que vous allez devoir vous adapter, mais ce n'est pas grave.

En réalité il n'y a que 2 cas où le décalage entre attente et réalité est problématique:
- Lorsqu'il s'agit d'un chien d'utilité. 
- Lorsque vous avez fait une vraie erreur de casting et que vous ne pouvez pas répondre aux besoins de votre chien.

Le reste c'est juste la vie. Avec ses imprévus et ses adaptations. A vous d'en tirer partie pour apprendre, toujours plus.




Est ce que mes chiens sont ce que j'avais souhaité?

Linux oui. J'avais en tête un chien un peu plus porté sur les jouets mais ce n'est absolument pas un critère déterminant et il est tellement super qu'honnêtement on s'en fout.
Flappy c'est plus compliqué. Il a été tout ce que je voulais. Intelligent, joueur, vif et câlin. Une perfection. J'ai donc eu énormément de mal lorsque ses maladies m'ont arraché de cet état de grâce. Il est évident que je n'ai jamais tenu mon chien responsable et que je ne l'ai pas moins aimé pour autant. Mais oui bien sûr j'ai été déçue. J'avais rêvé de ce chien toute mon enfance, nos débuts m'avaient incité à imaginer des choses folles. J'ai mis beaucoup de temps à accepter qu'il ne puisse pas faire certaines choses,  il en a souffert et moi aussi. Les choses se sont apaisées lorsque j'ai arrêté de chercher les moyens de le faire entrer dans le moule que j'avais conçu pour lui et que j'ai pris le problème de l'autre côté. J'ai enrichi ma connaissance du chien, j'ai creusé, cherché, expérimenté jusqu'à trouver le clicker. Ce petit boitier lui a redonné confiance en lui, en moi, ce qui a eu des répercussions sur son comportement au quotidien et sur son moral, m'a permis d'entretenir son physique avec sa participation volontaire et grâce à lui, je m'éclate avec mon chien.
C'est surement ce processus douloureux qui m'a ensuite permis d'avoir cette relation apaisée avec Linux, malgré les problèmes de comportement qu'il avait à son arrivée à la maison.

Soyez réalistes
Soyez responsables
Soyez tolérants