Je suis partisane de l'éducation par le renforcement positif. Parce qu'elle est respectueuse, elle est logique et elle est efficace.
Enfin elle l'est... Si nous disposons d'un renforçateur! Je suppose que vous avez déjà entendu, lu quelqu'un disant que l'éducation positive ne marche pas avec tous les chiens. Bon déjà on pourrait avoir un petit débat sémantique, parce qu'éducation positive ne veut pas tout à fait dire renforcement positif mais passons. L'idée est là: récompenser mon chien ne marche pas. Et là aussi est l'erreur: ce n'est pas l'action qui est inefficace, c'est votre outil.
Il est clair que le jouet ne motive pas tous les chiens, j'en ai un en train de ronfler à mes pieds qui prend une balle tous les 15 août. Je ne vais certainement pas l'inciter à me faire une belle marche au pied en lui lançant un balle au bout de 20 pas.
La plupart des chiens travailleront avec de la nourriture... Jusqu'à un certain point. Même les peu gourmands participeront une séance de clicker avec du jambon à la maison, parce que l’interaction est agréable et l'environnement peu stimulant, pas besoin d'avoir le Graal pour qu'il choisisse que c'est la chose la plus intéressante à faire. Prenez un chien, même gourmand, lâchez le dans une forêt qui grouille de bestioles, avec d'autres chiens et après une journée à attendre que vous rentriez du travail, et il est fort probable qu'il préfère vaquer à des occupations de chien plutôt que de venir travailler la position "Salut" avec vous, même pour du jambon.
Quoi de plus plaisant pour un beagle que de renifler une odeur. |
Sans aller jusqu'à cette situation un peu caricaturale, certains chiens sont peu motivés par la nourriture dans des environnements stimulants.
Alors, lorsqu'on a un chien comme Jack, petit épagneul de 7 kg, peu intéressé par les jouets et la nourriture hors de chez lui, devons nous abandonner le renforcement positif pour se tourner vers d'autres méthodes?
On le peut, mais ce n'est pas une obligation, c'est un choix.
Jack n'est pas motivé par ces 2 choses, cela ne veut pas dire qu'il est motivé par rien: les crottes de lapin, les odeurs pestilentielles, les autres chiens, la possibilité de courir partout, plein de choses le motivent.
Jack n'est pas motivé par ces 2 choses, cela ne veut pas dire qu'il est motivé par rien: les crottes de lapin, les odeurs pestilentielles, les autres chiens, la possibilité de courir partout, plein de choses le motivent.
Si nous sommes coincés dans notre apprentissage, dans nos choix de renforçateurs, c'est parce que nous sommes coincés dans notre esprit d'humain. Prenons du recul, observons notre chien, regardons ce qu'il aime faire, ce qu'il choisit de faire et nous aurons une foule de renforçateur à notre disposition.
Bien sûr nous n'allons pas tous les utiliser.
Mon chien adore aller aboyer à la clôture sur la chienne de mes voisins. Je pourrais lui demander la lune qu'il irait me la chercher si cela voulait dire que je lui ouvre ensuite la porte pour qu'il fonce sur la clôture. Je ne l'utiliserais pas car je ne veux pas que ce comportement perturbe mais j'ai à ma disposition un renforçateur très puissant.
Pour rendre les choses un peu plus claires, et vous aider à avoir le déclic pour vos propres chiens, j'ai fait une petite liste de choses que mes chiens apprécient et que je peux utiliser comme renforçateur
Flappy:
- Les mouchoirs en papier (sales de préférence... Chien de roi ouais)
- Les crottes d'oie (se rouler dedans précisément)
- Marcher dans le sable
- Renifler son chat
- Reculer
- Explorer les restes d'un pique nique
Bonheur! |
Linux:
- Sauter dans les bras
- Creuser un trou
- Les interactions avec d'autres chiens
- Récupérer un bâton dans l'eau (seul et unique contexte où les bâtons présentes un intérêt pour lui)
- S’aplatir dans une flaque de boue
Il est évidemment que ce ne sont pas des récompenses dont je vais me servir pour un séance de clicker, mais ce n'est pas le but. Comme je l'ai dit un peu plus haut, la très grande majorité des chiens participeront avec entrain avec une séance de travail même avec une récompense de moindre valeur, parce que c'est fun en soit. Si ce n'est pas le cas, c'est le plus souvent parce que nous ne sommes pas clairs.
On ne commence pas un apprentissage en pleine ville dans une rue passante, nous commençons dans le calme, chez nous puis nous généralisons dans des lieux plus stimulants. Lorsque l'on s'y prend "bien", les chiens aiment ces petites interactions avec nous, la séance en elle même devient motivante, un renforçateur. Vous avez peut être noté que certains des renforçateurs de mes chiens sont des "tours", ce qui est logique. Pensez aux chiens d'agility qui enchainent une dizaine d’obstacle ou à ceux d'obé rythmée qui exécutent des chorégraphies de plusieurs minutes, sans friandises au milieu. Ils le font, et avec entrain, parce que produire ce comportement, traverser ce tunnel est devenu un renforçateur pour eux. Le comportement "Recule" est tellement chargé positivement pour Flappy qu'il est devenu une récompense, quelque chose qu'il aime obtenir.
Tout cela pour dire que, dans le cadre du sport, la récompense c'est le suivant, comme l'expliquait si justement Amélie de Coussinets Agiles lors d'un stage. Le disque suivant en frisbee, le tour suivant en obé rythmée, l'obstacle suivant en agility.
Là où il est souvent plus difficile d'avoir le chien attentif à soi, et là où ses renforçateurs incongrus sont utiles c'est en balade.A moins d'être inhibé, un chien fait des choix en fonction de conflits
de motivations: où est le risque le moins élevé, où est le gain le plus
élevé. Nos chiens ne meurent pas de fin, ils ne sont pas en manque de leur humain, ils ont des jouets dans le bac à la maison, l'environnement riche des promenades est bien plus intéressant et motivant pour eux.
Je reprends mes chiens, leurs problématiques et leurs renforçateurs.
Flappy a besoin de réapprendre à apprécier les promenades. Il est malade depuis plusieurs années, et a passé des mois difficiles dernièrement où marcher était douloureux. Ce n'est pas un chasseur, il ne prend pas plaisir à courir. Mais il aime se rouler dans des trucs qui puent, farfouiller là où des gens se sont installés pour pique niquer, s'éclater dans du sable. Alors en balade je me mets en quête de ces choses qu'il aime, fais de mon mieux pour les trouver avant lui et l'appelle pour lui montrer. Il se dit alors que me suivre en vaut la peine, que se promener l'amène à des trucs vachement chouettes, et petit à petit il retrouve son engouement: Promener c'est sympa!
Avec Linux je cherche à travailler son attention par défaut: un truc de fait peur, un truc de fait envie, regarde moi. Alors avant de le détacher pour qu'il aille voir d'autres chiens j'attends qu'il me regarde, je lui demande un "Look" lorsqu'on croise un homme qui l'inquiète et le fait sauter dans mes bras ensuite, je l'envoie vers une taupinière si il reste avec moi plutôt qu'aller embêter le chien en laisse. Ce que je recherche c'est qu'il se décide que quoi il arrive, j'ai toujours quelque chose de rassurant/ de plus sympa pour lui.
Bestiole! |
Pour en revenir à Jack, nous commençons à travailler le rappel ainsi. C'est un indécrottable pisteur, rien ne l’intéresse plus que de courir de piste en piste. Alors quand il revient vers nous, nous lui montrons une piste qu'il n'avait pas vu. Et pour cause nous l'avons créée, en déposant quelques poils de cochons d'inde ou crin de chevaux. L'objectif est d'avoir un chien qui revient au rappel de façon sûre, et c'est nettement plus facile si il n'a pas à renoncer à ce qu'il préfère pour ça.
Finalement, cet article sur les renforçateurs originaux tournent surtout autour de la problématique du rappel, de l'extérieur. Peut être parce que ce sont les échecs sur ces points qui poussent les gens à se tourner vers des outils coercitifs, collier étrangleur ou électrique.
Peut être parce qu'il est si dommage que tant de chiens soient privés de ce qui est finalement le plus agréable, le plus nécessaire pour eux parce que nous n'imaginons pas aller plus loin.
Pourtant sortir des sentiers battus est tellement fun, tellement instructif et tellement constructif pour nos relation avec notre chien.
Hélène Monty