dimanche 14 décembre 2014

Je fais du R+, pas du gavage

J'aime être un bisounours et je ne me sens absolument pas vexée lorsque les détracteurs des méthodes positives m'affublent de ce sobriquet. J'aime être gentille et j'aime le fait qu'être gentille avec mes chiens nous permette de progresser et de mieux vivre ensemble. Mais nous avons également un autre surnom: les distributeurs de bonbons. Et là ça m'embête, parce que c'est extrêmement réducteur de ce que sont les méthodes positives et cela prouve une certaine méconnaissance de ces méthodes. Et comme j'aime bien débattre mais pas avec des ignares, je vais discuter aujourd'hui du renforcement positif. Après lecture, j'invite les opposants au club des bisounours à reformuler leurs critiques. Cette explication pourra par la même occasion être utile aux novices dans le monde du chien et de l'éducation positive, tout ça vaut bien quelques minutes sur le clavier.

Les méthodes positives sont basées sur le concept du renforcement positif. Jusque là ça parait logique mais ce n'est pas très clair. Faire du renforcement positif c'est inciter le chien à renouveler un comportement en l'associant à une conséquence agréable. La conséquence agréable, cela peut être une friandise mais pas seulement. On peut utiliser comme renforçateur tout ce que le chien aime: nourriture, caresse, félicitations orales, jouet, course-poursuite, interaction avec un congénère etc. 

Le partenaire du renforcement positif, sur lequel je ne m'étendrais pas mais qu'il faut nommer, c'est la punition négative. Si le chien adopte un comportement que nous considérons inadapté, il s'en voit retirer la conséquence agréable.
- Le chien saute quand on veut lui mettre sa laisse, on range la laisse et on va s'assoir. On ne sortira que quand il restera calme pendant les préparatifs.
-Le chien aboie au fond du jardin, il rentre. 
- Le chien tire en laisse pour atteindre une odeur, on se stoppe et on reste immobile jusqu'à ce que la laisse se détente.

Donc non, le renforcement positif ce n'est pas forcément distribuer des bonbons et oui on peut appliquer ce principe même à un chien qui n'est pas attiré par la nourriture. 
C'est vrai que la récompense alimentaire est très fréquemment utilisée et il y a d'excellentes raisons à cela:
- La nourriture est attractive pour la plupart des chiens.
- C'est un moyen rapide de récompenser son chien. La récompense alimentaire permet plus de fluidité dans certains apprentissages que le jeu par exemple, qui prend plus de temps et interrompt de façon plus marqué les répétitions.
- C'est pratique. Il est plus facile de récompenser un comportement calme dans l'ascenseur par une friandise que par une séance de tug.

En bon chien de chasse, Buddy apprécie le rapport.
Mais si la récompense alimentaire présente des atouts évidents et est donc fréquemment utilisée, elle est loin d'être la seule manière de marquer un bon comportement.
- Quand je gratte mon chien sous le menton pour le féliciter d'être sagement assis à mes pieds chez le véto, je fais du renforcement positif.
-Lorsque je tugge mon chien à la fin de son parcours d'agility, je fais du renforcement positif.
-Quand je détache la laisse de mon chien, qui attend assis sans bouger que je le libère, je fais du renforcement positif. 
-Lorsque j'autorise mon chien à aller saluer un congénère après lui avoir demander de rester au pied, je fais du renforcement positif.

Autoriser son chien à faire quelque chose qu'il aime après avoir eu le comportement qu'on souhaite qu'il adopte, quelle que soit cette chose, c'est renforcer ce comportement. 
La diversité des renforçateurs fait que nous en avons toujours un sous la main (il est toujours au minimum possible de gratifier son chien d'un "C'est bien mon loulou" enjoué) et qu'en plus nous pouvons jouer sur la valeur de la récompense. Chaque chien a ses propres goûts et préférences, pour certains le Graal se sera un bout de saucisse, pour d'autres la balle, pour d'autres encore une grattouille derrière les oreilles. En sachant ce que votre chien préfère vous avez le pouvoir d'accélérer considérablement certains apprentissages et vous êtes armés pour d'éventuelles rééducations. Plus la valeur de la récompense sera élevée et plus votre chien sera susceptible de réitérer le comportement qui l'a déclenchée. 
Le comportement qu'adopte un chien est toujours issu d'un arbitrage, il a plusieurs options et en a choisit une. Son choix se portera toujours sur le comportement qui lui apporte le plus de satisfaction. C'est à vous de faire en sorte que son choix se porte sur le comportement que vous souhaitez le voir adopter, et pour ça il faut que ce comportement soit celui qui lui apporte le plus. Plus les alternatives seront attractives et plus la récompense devra avoir une grande valeur. 
Chez Flappy, ce qui marche le mieux c'est les friandises.
Mais le jeu, c'est sympa aussi.
Soyons concret. Mon cavalier a eu un long passage de réactivité vis à vis de ses congénères, par crainte d'infériorité physique dans son cas. Aboyer lui apportait quelque chose de précieux: le chien ne s'approchait pas pour entrer en interaction avec lui. Si je voulais qu'il reste calme, il fallait que le fait de ne pas aboyer lui apporte une satisfaction au moins équivalente. Je me postais donc entre le chien et lui et le récompensais avec son biscuit préféré, tant qu'il restait calme. Ainsi il échappait à l'interaction et obtenait en plus une friandise qu'il adorait. Pour conserver la haute valeur de cette récompense, je la réservais à cet usage exclusif, le reste étant plus facile, lui demandant moins d'effort, une récompense de valeur inférieure était suffisante. Au bout d'un certain nombre de répétitions, il a finit par choisir la solution qui lui apportait toujours le plus: rester calme. Au fur et à mesure que le temps passait, son appréhension vis à vis des autres chiens a diminué puisque les croiser ne lui apportait finalement que du positif, et il est devenu plus facile pour lui de rester calme à leur approche, il n'avait pas besoin de se montrer vindicatif pour éviter l'interaction. J'ai alors pu utiliser des récompenses de valeurs inférieures, jusqu'à pouvoir aujourd'hui ne le récompenser que de la voix. 

Parce que oui, contrairement à l'idée couramment répandu que "Ouais mais une fois que tu n'as plus de bonbons, ton chien t'écoute plus", non seulement nous avons d'autres flèches à notre arc que les bonbons, mais en plus nous n'en sommes pas dépendants lorsque nous choisissons de les utiliser. Cette idée provient de la confusion entre récompense et leurre. Le leurre est utilisée pour amener le chien a adopter le comportement adéquat alors que la récompense est là justement pour le récompenser. Le leurre amène le comportement, pas la récompense qui elle, est là pour le renforcer.
Je ne passe pas ma vie avec des bonbons dans les mains, ça n'empêche pas mes chiens de faire ce que je leur demande, très gentillement d'ailleurs. Les résultats de l'éducation positive sont durables parce qu'on conditionne nos chiens à apprécier d'agir d'une certaine manière.

Pour faire simple, les méthodes positives peuvent être utilisées dans l'éducation ou la rééducation de n'importe quel chien, parce qu'elles sont extra ordinairement personnalisables. La clé du succès réside dans l'observation et la connaissance de l'individu qu'on éduque. 

Mes chiens ont appris qu'en concours équestre, être assis,
c'est mieux que de manger le crottin, tirer pour aller dire bonjour,
ou aboyer sur les chevaux.
Je sais que Linux aime les friandises, la balle, le tug et me sauter dans les bras. Je sais que Flappy aime les friandises, les caresses sur la croupe et la gorge et le tug.

A vous de décoder vos chiens.

Et si vous vous dites "Ouais enfin j'vois pas pourquoi je me prendrais la tête comme ça alors que les bonnes vieilles méthodes fonctionnent très bien", je vous invite à lire mon best-seller