vendredi 2 janvier 2015

Vécu N°1: Ma terreur de chien réactif

Je me suis rarement autant creusé la tête, dans ma vie avec mes chiens, que lorsque j'ai été confrontée aux problèmes de comportement de mon cavalier vis à vis de ses congénères. Entre l'identification du problème et le retour à une attitude calme, un an s'est écoulé. En partie parce que j'ai mis du temps à m'en préoccuper, en partie parce que je lâchais des fois l'affaire, en partie parce qu'à chaque dégradation de son état de santé on reculait et en grosse partie parce que c'est un problème complexe.

Vu le temps, la sueur et les larmes que m'a couté ce problème, je me suis décidée à partager cette expérience. En effet, même si une solution n'est jamais transposable d'un chien à l'autre, j'ai puisé dans chacune de mes lectures, dans toutes les expériences qu'on m'a conté pour créer ma solution à moi. Notre chemin pourra peut être aider certains à passer un nouveau cap, à mieux cerner les causes de leur problème ou à essayer une nouvelle méthode. Force est de constater que nous sommes nombreux à avoir des chiens réactifs vis à vis de leurs congénères, autant s'épauler et essayer de se sentir moins seul. Parce qu'une chose est sûre: avoir un chien réactif c'est difficile moralement et socialement.


Commencons par planter le décor. J'ai eu Flap a 3 mois, et il faut avouer que les contacts avec les autres chiens ont été plutôt rares pendant 2 ans. Tout simplement parce que j'étais absolument novice et ne savais pas à quel point c'était important, je ne cherchais donc pas spécialement à le mettre en contact avec ses congénères, et personne dans mon entourage n'ayant de chiens, il se contentait d'en croiser quelques uns, plus ou moins longtemps en promenade. Pendant un an toutefois, il est resté très sociable et avenant, en bon cavalier qu'il est, avec ses copains chiens. Les choses ont changé par la suite lorsqu'il est tombé malade, étant diminué physiquement, il était sur la réserve, préférant fuir le contact.

Un cavalier réactif,
ça surprend!
Il a utilisé cette stratégie de l'évitement et de l'apaisement pendant plus d'un an. A partir de ses deux ans,  nous avons fréquenté un club canin et il n'y avait aucun problème. Il ignorait les chiens qu'il ne faisait que croiser et interagissait avec ceux qu'il côtoyait chaque semaine, allant même jusqu'à jouer avec certains. Et puis un jour un berger australien a rejoint mon cours d'obérytmée, un magnifique rouge tricolore… Totalement obsédé par Flappy. Mon chien, comme à son habitude, a tenté de repousser les avances de l'aussie en s'écartant et en envoyant des signaux d'apaisement, mais rien à faire il était bel et bien accro! Retrospectivement je me dis que j'aurais dû intervenir et écarter le harceleur. Mais je n'y ai pas pensé et ma mono ne m'a pas non plus aiguillé dans ce sens. Au bout d'un moment, Flappy en a eu marre et a changé de tactique et est passé à l'offensive: il lui a aboyé dessus comme un malade, dans une position signifiant clairement "Va t'en ou ça va barder pour ton matricule". Et là miracle!L'australien a reculé. Mon chien a alors appris que menacer fonctionnait mieux que se faire tout petit pour échapper aux interactions qu'il ne voulait pas. Et c'est là qu'ont commencé les ennuis.

Je suis restée un temps perplexe devant le comportement de mon chien. Lui qui n'aboyait jamais c'était mis à vociférer lors des rencontres canines. Toutefois il se calmait assez vite, avait accepté sans aucun problème le chiot que j'avais en FA puis Linux lorsque je l'ai adopté. Puis je me suis concentrée lors des balades à l'éducation de Linux plutôt qu'à la rééducation de Flappy. Bref j'ai laissé courir, le comportement s'est renforcé au fil du temps.

Je ne saurais pas dire quel a été l'élément qui m'a fait dire "C'est bon, y en marre". Toujours est il qu'un jour j'ai décidé que ce n'était plus possible. C'est vrai que je n'avais aucune difficulté à le retenir, il ne représentait pas réellement un danger mais ça le stressait beaucoup, ça stressait Linux également et moi bien sûr. Et puis le regard que porte sur vous les gens qui vous croisent avec un cavalier hystérique est assez… Désagréable, condescendant voir hostile. Je me sentais toujours coupable à la fin.

Alors j'ai commencé à me documenter et à mettre en place mon plan d'action. L'idée était de lui apprendre à se fixer sur moi au passage d'un chien, au départ à distance puis en restant de plus en plus proche. Lorsque je voyais arriver un chien, je rappelais les miens, rattachais, m'éloignais et leur demandais un Look. Jusqu'à une certaine distance, les progrès ont été très rapides ce qui a permis d'apaiser un peu la situation. Mais dès qu'on devait resté trop près, parce que la géographie de l'endroit ne me permettait pas de m'éloigner beaucoup ou parce que je n'avais pas pu anticiper assez, c'était le zouk. Flap sortait de ses gonds, tirait, aboyait et bien sûr Linux suivait. Je serais les dents, j'attendais que ça passe et je bouillonnais.

On est alors passé à l'étape supérieure, mon copain a commencé à les sortir avec moi dès qu'il le pouvait et il s'est occupé de Linux lors des croisements. C'est devenu plus simple pour moi, je pouvais récompenser au bout moment, rectifier dès qu'il commençait à être distrait. On pouvait maintenant leur demander une marche au pied tout en gardant le contact visuel et ça passait... Jusqu'à une certaine distance encore.

Même au plus bas de son seuil de tolérance, il était resté sociable vis à vis des chiens qu'il avait le temps d'apprendre à connaître.
Cela faisait déjà un moment qu'on travaillait là dessus, bien sûr il y avait eu beaucoup de progrès mais on ne parvenait pas à dépasser le dernier stade, on était bloqué. Et ça me bouffait. J'avais un réel sentiment d'échec, je ne comprenais pas où était le problème.

Et puis j'ai changé d'optique. Ce que j'avais appris à mon chien jusque là, c'est faire abstraction de ce qui le dérange, le met mal à l'aise. Si j'avais changé son comportement vis à vis de ce stimulus, je n'avais par contre pas changé son état émotionnel. Qu'il se déclenche ou non, il était stressé lors des rencontres avec ses congénères. J'ai donc mis en place un nouveau plan: Plutôt que de lui demander de se détourner de ce qui le dérange, je lui demandais juste de rester calme. A vrai dire je ne lui demandais même pas, tant qu'il restait calme, je félicitais. J'ai également sorti mon clicker en balade, le rendant plus acteur de sa rééducation. Le rythme du click/récompense était élevé et ça le motivait à chercher à obtenir le click à nouveau. Bien sûr il a fallut du temps pour pouvoir réellement croiser un chien sur un trottoir, c'est resté difficile pendant un moment lorsque j'étais seule avec mes 2 chiens mais aujourd'hui je n'ai plus d'appréhension lorsque je les sors. Le travail sur le changement de comportement fait au départ m'a beaucoup aidé dans cette seconde phase, mais c'est en l'aidant à changer son état émotionnel que j'ai vraiment permis à mon chien de rester serein. Au fur et à mesure, il n'a plus perçu l'approche de ses congénères comme une menace, mais plutôt comme une opportunité d'être récompensée.

Ensuite, j'ai pu les laisser libre lors des rencontres avec d'autres chiens détachés. J'ai la chance d'avoir un second chien très équilibré avec ses congénères, je laissais Linux gérer de son côté pour me concentrer pour Flappy. Je récompensais le calme par des caresses, il ne fallait mieux pas sortir de la nourriture dans ce contexte, et si il souhaitait que l'autre chien le laisse mais que celui ci insistait, je m'interposais doucement entre les deux. C'est toujours ce que je fais aujourd'hui. Il aboie encore parfois, mais sans se mettre dans en état de stress et décroche très facilement.

Flap sera toujours mon trésor
et mon meilleur prof
C'est un travail long (les rechutes ont été nombreuses, à cause de mes erreurs, de rencontres avec des chiens malpolis ou de mauvaises anticipations, mais chaque fois nous avons rebondis et appris), parfois ingrat mais il est réellement important. J'aurais pu ne jamais intervenir, le physique de mon chien me permet de le contrôler facilement. Mais je suis heureuse d'avoir entreprit ce périple. Cela m'a appris beaucoup de choses, ça nous a rapproché mais surtout, ça a eu des répercussions positives sur l'ensemble de notre vie. Nous sommes tous plus zens aujourd'hui, et lui comme moi nous faisons plus confiance. Il a appris qu'il n'avait pas besoin de monter sur ses grands chevaux pour éviter un contact qu'il ne souhaitait pas, qu'il était plus efficace et plus intéressant pour lui de rester calme et que, en dernier recours, il n'avait qu'à se placer derrière mes jambes ou celles de mon copain pour être tranquille.

Il y a environ un mois, j'ai suivi un stage chiens réactifs donné par Fanny. Je n'arrivais pas à débloquer la dernière étape, il se déclenchait toujours dans la rue et parfois sans que je ne sache trop pourquoi. Et finalement, la solution était juste là, sous mon nez mais il a fallu qu'elle me le montre. Elle l'a regardé se déclencher et m'a dit "Tu vois, il aboie et hop il te jette un coup d'oeil avant de poursuivre". En fait c'est mon anticipation de sa réaction qui le faisait aboyer. Il a suffit que cesse de m'occuper de lui lors des croisements pour en terminer totalement avec ce problème. Il aboie encore sur les autres chiens, mais plus par principe, avant toute interaction. Maintenant ses réactions sont justifiées par le comportement du chien d'en face. Bref, il a réapprit à parler chien.

Voilà pour la petite histoire de comment j'ai appris à mon chien à ne plus agresser ses congénères sans collier coercitif.