samedi 30 mai 2015

Devrions nous encore avoir des chiens?

Vous connaissez ce genre de personne qui tourne et retourne dans sa tête la moindre réflexion qu'on peut lui faire? Le genre de personne qui serait capable de culpabiliser de se faire rentrer dedans par un con qui a griller un stop? Ce genre de personne c'est moi. Et si j'écris aujourd'hui, c'est parce qu'un très aimable naturaliste m'a dit que mes chiens tuaient les orchidées.

Je considère qu'avoir un chien est un droit mais que les autres ont aussi le droit de choisir de ne pas en avoir, et n'ont donc pas à subir les conséquences de mon choix. La liberté de l'un s'arrête là où celle des autres commence, vous voyez le genre?

J'habite en ville, dans une métropole très urbanisée et "pire", en appart'. Autant dire que je connais bien les contraintes du chien citadin et la difficulté à partager cet espace avec les autres. Il faut veiller à ce qu'ils ne pissent pas sur les devantures des magasins, leur apprendre à ne pas prendre toute la place sur le trottoir lors des croisements, travailler sur la réactivité aux multiples stimulus qu'il peut y avoir, veiller à ce qu'ils ne descendent pas du trottoir n'importe comment etc. Bref c'est un gros travail, potentiellement du stress pour le chien et en plus même quand on fait tout bien y'en a qui râle!

Pour le bien être de mes chiens (mais aussi pour le mien, parce que le travail de bureau ça rend fou), je les emmène tous les jours dans des endroits où ils peuvent flâner tranquillement, courir, explorer, bref être des chiens basiques sans déranger personne.

Il y a un endroit que j'affectionne particulièrement, parce qu'il est grand et varié. 
Il y a 2 jours, je m'y rends donc après le boulot avec les monstres et, toujours dans ma maniaquerie de nana qui ne supporte pas qu'on la gronde, je les emmène vers un petit sentier, entre les remparts et un plan d'eau afin d'éviter joggeurs, vélos et chiens en laisse.
A l'entrée de ce sentier, je croise un homme qui me demande si je peux rattacher mes chiens sur cette portion. J'acquiesce mais surprise, je demande pourquoi. Les chiens en liberté sont tolérés, je pensais donc qu'il se passait un événement particulier que mes chiens risquaient de perturber. Et bien non! En fait il s'avère que ce plan d'eau est le seul coin marécageux sur plusieurs kilomètres et qu'il abrite donc une faune et une flore rares, que la grosse concentration de chiens à cet endroit est en train de bousiller. Ba oui un chien dans l'eau, ça boit, ça nage, ça joue. Les crapauds et les roseaux ils aiment pas trop et en plus ça vide l'eau. Et comme il ne pleut pas (on a beau être du Nord, il arrive qu'il fasse sec), ba y'a plus de marécage.

Je discutaille un peu avec le monsieur, fort gentil et intéressant, puis continue mon chemin en promettant de faire attention. Et là, la machine était lancée. Je me sentais coupable, parce que ce marécage et ses ressources sont un bien qui appartient à tout le monde et que je contribue à dégrader. Certes mes chiens ne se baignent pas, mais ils boivent.

Réflexion qui m'a amené à me demander si avoir un chien en ville est vraiment une bonne chose. Pas par rapport aux autres humains cette fois ci mais par rapport aux chiens eux mêmes. Les balades en ville sont relativement restrictives et potentiellement stressantes, et lorsqu'on les emmène dans des coins de verdures, nous sommes encore obligés de brider leurs comportements instinctives (creuser, se baigner, chasser …), parce que l'importance de la fréquentation canine de cet espace fait que ces comportements l'abîment.

Et puis finalement, en milieu rural aussi c'est la galère, entre les zones exploitées pour l'agriculture, les réserves naturelles et les endroits où la chasse, parfois illégale, est fréquente.

Il devient compliqué de laisser nos chiens être simplement des chiens.

C'est notre droit d'avoir un chien mais le droit des chiens lui, qu'est ce qu'on en fait.

Nous exploitons tellement de surface pour l'habitation, le commerce, l'agriculture ou le loisir que les rares endroits dans lesquels nous pouvons nous promener ne peuvent pas supporter qu'on les y emmène se défouler sans contrainte. Alors même qu'ils pourraient y être utile, mon gentil naturaliste m'a par exemple dit que, par contre, si mes chiens pouvaient bouffer les rats musqués ça l'arrangerait bien. Faute de prédateurs naturels, ces nuisibles envahissent tout.

Pour résumer:
-  On a bousillé une grande partie de la nature.
- Ce qu'il en reste est tellement fragile qu'il faudrait en réalité la laisser tranquille et ne plus la fréquenter.
- En plus de ne plus avoir de travail à leur confier, de les laisser seul des heures durant, de souvent mal les comprendre, voilà que nous ne pouvons même plus offrir à nos chiens des environnements naturels pour laisser libre cours à ce qu'ils sont.

C'est nul d'être un chien dans ce monde d'humains.

Et parfois c'est même nul d'être humain.