jeudi 30 mars 2017

Ne pas mettre la charrue avant les boeufs

Dans le monde du chien, il y a tout un tas de petits débats qui agitent les têtes et les doigts sur les claviers. 
Parmi ceux là en ce moment, il y a le débat sur l'apprentissage de tricks au chiot. Est ce que c'est bien, est ce que c'est mal? Et à partir de quand cela devient bien ou mal? Comme souvent, cela s'écharpe un peu dans tous les coins et il est parfois difficile d'extraire les commentaires pertinents, fondés et argumentés de la mêlée.

A partir du moment où l'intégrité physique du chiot n'est pas en jeu, les tricks sont très intéressants. Ils offrent une activité, ils permettent d'apprendre à apprendre, de travailler sur la gestion de la frustration et de l'excitation, peuvent développer la motricité, la confiance entre l'humain et son chien, comme le lien qui existe entre eux et leur capacité à se comprendre. Et parfois même ils préparent l'avenir (c'est souvent le cas pour les chiens dits de sport).



Mais, il y a un gros mais, rien ne sert de courir; il faut partir à point, comme dit le proverbe.
Plus que d'avoir un chien capable de restituer tout un tas de tricks, ce qui compte c'est d'avoir un chien à l'aise dans sa vie de tous les jours. C'est bien d'avoir une belle marche au pied, mais si le chien panique dès qu'un véhicule passe, elle ne servira à rien. C'est bien d'avoir un chien qui s'éclate à faire des twists, mais il ne peut pas s'amuser en balade parce qu'il aboie sur toutes les personnes qui passent (pour jouer ou pour faire fuir, au choix), c'est quand même bien triste.

A mon sens, la priorité que nous devons avoir lorsque nous accueillons un chiot, c'est de l'aider à devenir un adulte stable.
J'entends par adulte stable, un chien qui ne réagit pas de façon excessive face à des stimuli usuels. C'est à dire un chien qui ne bondit pas au bout de sa laisse dès qu'il croise un congénère, qui n'aboie pas comme une furie après tous les véhicules qui passent, qui ne se ratatine pas sur lui même dès qu'un bruit claque trop fort.

Alors oui bien sûr, le travail de socialisation du chiot à ses congénères et de familiarisation avec son environnement n'est pas incompatible avec l'apprentissage de tricks dans l'absolu. Mais ils sont en conflit pour l'utilisation de deux ressources:
  • Le temps 
Le temps que vous consacrez à l'apprentissage de tricks est un temps que vous ne pouvez pas l'utiliser pour autre chose, c'est mathématique.
Et même si vous avez beaucoup de temps à consacrer à votre chiot il vous faudra veiller à ce qu'il est un temps de sommeil suffisant. Un manque de sommeil diminue l'attention, la concentration, la dextérité et nuit également à la bonne intégration des apprentissages.
  • Les capacités cognitives
Découvrir fatigue énormément mentalement, il faut savoir respecter les capacités de concentration et d'adaptation du jeune chien et ne pas trop lui en demander sur une même journée.

J'ai toujours eu du mal à créer des plannings de travail mais dans le cas d'un chiot, il me semble important de mettre de la structure, même si cela n'a pas à être académique et rébarbatif.
Il est intéressant d'identifier ce qui pose problème à notre chiot, ce que nous voulons (ou devons) lui faire découvrir, et d'établir un programme de travail par lequel nous allons l'aider à surmonter ses craintes, se faire des premières expériences positives et se construire une confiance en lui et en nous.
On le sait, la fenêtre de tir la plus favorable pour faire découvrir le monde à notre chiot se situe entre 8 et 16 semaines. Cela passe vite, très vite, d'où l'intérêt d'être ordonné. 
Et même passé cet âge, il est important de continuer à veiller à lui offrir des interactions positives avec son environnement. La plasticité de son cerveau n'est plus la même mais ce sont ces premières expériences qui vont constituer l'historique sur lequel il va se baser pour juger de quel comportement adopter face aux stimuli qui se présenteront à lui.

 En somme, commencez par construire un individu confiant, en lui donnant les moyens de comprendre, connaître et maîtriser son environnement par une exposition contrôlée, mesurée et positive aux stimuli de sa vie quotidienne.  

Les tricks oui, mais en plus (et pas trop de plus) et pas à la place. 

Finalement ce problème ne se pose t il pas que parce que l'exposition sur les réseaux sociaux pousse à la fuite en avant? Sans doute que si...



mardi 10 janvier 2017

La clé est dans la finalité

Non, je ne suis pas en train de retourner ma veste et de vous dire que la fin justifie les moyens, et que si un collier étrangleur vous permet d'avoir un chien qui ne tire pas en laisse, ainsi soit il. Pas du tout, jamais je ne justifierai un acte de violence, si petit soit il, quelle soit morale ou physique. Le propos ici est le suivant: l'explication d'un comportement est toujours dans sa finalité (réelle ou prévue), chez eux comme chez nous.

Comme ils ne nous parlent pas et que nous pouvons seulement supposer ce qu'il se passe dans leurs petites têtes poilues, le seul élément tangible qui nous permet d'apprécier ce que veulent nos chiens, c'est d'identifier la finalité de leur comportement: pourquoi agit il ainsi, quel est le but?
Parfois il s'agit simplement de se faire plaisir à un moment donné, face à un stimulus providentiel, comme lorsqu'il englouti un Choco BN qu'un enfant a laissé tomber sur le trottoir. Parfois il s'agit de satisfaire un besoin essentiel à son équilibre physique et psychologique, comme lorsqu'il aboie de façon agressive sur l'homme qui lui semble mettre en danger son intégrité (chiens réactifs, bien le bonjour).

Lorsqu'un comportement pose problème, il est essentiel de déterminer quelle est sa fonction avant d'envisager une action quelconque.

Suivant la situation vous aurez deux possibilités: proposer, encourager et conforter un autre comportement qui servira la même finalité ou proposer, encourager et conforter un autre comportement qui n'aura pas la même conséquence, en gardant à l'esprit que le besoin qui n'est pas satisfait maintenant, devra l'être plus tard. Je peux apprendre à mon chien à s'assoir devant la baie vitrée pour avoir accès au jardin plutôt que de mettre les pattes sur les fenêtres. Je peux exiger de mon chien une marche au pied jusqu'à la boulangerie si je lui permet d'avoir un comportement exploratoire lors d'une autre sortie.

Ne pas répondre à un besoin d'un chien cause toujours problème, soit parce qu'il finira par le satisfaire d'une façon qui vous déplaira très franchement, soit parce qu'il compensera ce stress par des stéréotypies, des léchages, d'autres comportements gênants etc. Un comportement n'est jamais présent par hasard, on ne peut pas simplement l'annuler. La fonction du comportement doit toujours être remplie, si ce n'est pas par lui, alors par un autre. Je ne peux pas exiger de mon chien qu'il ne mâchouille plus, mais je peux lui demander de réserver cette activité aux bois de cerfs, Kongs et nerfs de boeuf. 

Etant donné que nous sommes les gardiens de nos chiens et très franchement les maîtres de leur vie, les troubles du comportement sont toujours liés à l'environnement que nous leur offrons, la vie que nous leur faisons mener, aux interactions que nous avons avec eux.

Et tout comme pour les chiens, nos comportements servent une finalité. Quelle est la finalité que nous recherchons lorsque nous faisons entrer un chien dans notre vie?

Vivre avec un chien est contraignant par bien des aspects: sorties tous les jours, par tous les temps, organisation pour les vacances ou les week ends, budget à prévoir etc. Le motif de cette adoption est donc important à cerner, pour se lancer dans cette aventure, il doit être puissant.

Nous devrions tous nous demander " Mes motivations à avoir un chien sont elles compatibles avec le bien être de l'individu qui partage ma vie?"

Les propriétaires de chiens évoquent l'amour des animaux, la compagnie, le plaisir de s'en occuper, mais ceux sont des motivations vagues, des cases dans un questionnaire pour obtenir des statistiques exploitables. Si on y réfléchit vraiment, nos raisons sont toujours plus précises, personnelles et complexes. Et toutes, potentiellement, peuvent causer du tort à notre chien, ou à notre relation avec lui.

Avant d'aller plus loin, je tiens à préciser qu'il n'y a pas de raison plus noble, plus juste de vouloir vivre avec un chien (enfin évidemment il y a de mauvaises raisons, prendre un chihuahua pour imiter Paris Hilton est une très mauvaise raison). Il est important de rester honnête vis à vis de nous mêmes et d'accepter nos motivations telles quelles sont vraiment. Notre point de vue évoluera peut être, très certainement même, au cours du temps, mais aujourd'hui, à cet instant T, rien ne sert d'essayer de se changer. Pour cerner au mieux nos manquements et dérapages possibles, nous devons connaître au mieux ce qui nous anime.

Quelqu'un qui aura pris un chien pour avoir une présence à la maison négligera peut être le besoin de stimulation de son animal. Quelqu'un qui aura pris un chien pour offrir un partenaire de jeu à ses enfants oubliera peut être de leur apprendre à respecter ses périodes de tranquillité. Quelqu'un qui aura pris un chien pour aller à la Crufts d'agility mettra peut être trop de pression sur ce chien.

Autant de motivations que d'individus, autant de biais que de relations.
Le lien Homme-animal relève du passionnel, nos motivations sont très liées à nos émotions, à des dimensions psychologiques. Au delà des conséquences possibles de nos erreurs de jugement sur nos chiens, que se passera t il si leur comportement, voire leur personnalité, est en désaccord avec nos motivations? Parfois difficile de rester calme et rationnel lorsqu'on est heurté dans ce qui nous anime profondément.

J'ai des chiens parce que j'aime interagir avec eux. Dans des moments aussi simples qu'un câlin devant un film ou qu'une balade dans la forêt bien sûr, mais aussi et surtout, je suis une grande adepte de sports canins. Et ce désir d'interaction, si il a ses bons côtés (mes chiens ne s'ennuient pas) et aussi porteur d'un risque: si mon chien refuse d'interagir avec moi, quelle sera ma réaction? Dans mes débuts j'ai été injuste. J'ai déjà isolé Flappy parce qu'il refusait de travailler avec moi lors d'un cours d'obérythmée (sur les conseils de mon instructrice - et c'est un conseil largement répandu). A un moment j'ai cessé de tenter des choses avec Linux parce que sa crispation me frustrait.
Aujourd'hui j'ai grandi, j'ai appris et lorsque mes chiens me disent non, je m'arrête et je me pose des questions. Ma demande a t elle été comprise? Etait elle juste? Etait elle réalisable? Quid de l'environnement, de l’entrainement, de la journée qu'ils sont en train de passer.
La frustration n'a pas disparu. Ces moments m'apportent toujours autant, je les attends toujours autant. Mais comme je me suis un jour forcée à la gérer autrement que comme mes nerfs me le dictaient et j'ai pris du recul. D'abord j'ai couru, pas mal (j'avais beaucoup de frustration a évacuer), puis je me suis questionnée. Aujourd'hui j'évite de me mettre en difficulté en choisissant judicieusement les moments où je travaille avec mes chiens. J'ai plus de compétences qu'à une certaine époque, je me retrouve donc beaucoup plus rarement face à un mur mais cela me touche toujours autant.




Soyez conscients de qui vous êtes, soyez bienveillants avec vous même, c'est essentiel lorsque l'on a un tel impact sur la vie d'autrui.