mardi 10 janvier 2017

La clé est dans la finalité

Non, je ne suis pas en train de retourner ma veste et de vous dire que la fin justifie les moyens, et que si un collier étrangleur vous permet d'avoir un chien qui ne tire pas en laisse, ainsi soit il. Pas du tout, jamais je ne justifierai un acte de violence, si petit soit il, quelle soit morale ou physique. Le propos ici est le suivant: l'explication d'un comportement est toujours dans sa finalité (réelle ou prévue), chez eux comme chez nous.

Comme ils ne nous parlent pas et que nous pouvons seulement supposer ce qu'il se passe dans leurs petites têtes poilues, le seul élément tangible qui nous permet d'apprécier ce que veulent nos chiens, c'est d'identifier la finalité de leur comportement: pourquoi agit il ainsi, quel est le but?
Parfois il s'agit simplement de se faire plaisir à un moment donné, face à un stimulus providentiel, comme lorsqu'il englouti un Choco BN qu'un enfant a laissé tomber sur le trottoir. Parfois il s'agit de satisfaire un besoin essentiel à son équilibre physique et psychologique, comme lorsqu'il aboie de façon agressive sur l'homme qui lui semble mettre en danger son intégrité (chiens réactifs, bien le bonjour).

Lorsqu'un comportement pose problème, il est essentiel de déterminer quelle est sa fonction avant d'envisager une action quelconque.

Suivant la situation vous aurez deux possibilités: proposer, encourager et conforter un autre comportement qui servira la même finalité ou proposer, encourager et conforter un autre comportement qui n'aura pas la même conséquence, en gardant à l'esprit que le besoin qui n'est pas satisfait maintenant, devra l'être plus tard. Je peux apprendre à mon chien à s'assoir devant la baie vitrée pour avoir accès au jardin plutôt que de mettre les pattes sur les fenêtres. Je peux exiger de mon chien une marche au pied jusqu'à la boulangerie si je lui permet d'avoir un comportement exploratoire lors d'une autre sortie.

Ne pas répondre à un besoin d'un chien cause toujours problème, soit parce qu'il finira par le satisfaire d'une façon qui vous déplaira très franchement, soit parce qu'il compensera ce stress par des stéréotypies, des léchages, d'autres comportements gênants etc. Un comportement n'est jamais présent par hasard, on ne peut pas simplement l'annuler. La fonction du comportement doit toujours être remplie, si ce n'est pas par lui, alors par un autre. Je ne peux pas exiger de mon chien qu'il ne mâchouille plus, mais je peux lui demander de réserver cette activité aux bois de cerfs, Kongs et nerfs de boeuf. 

Etant donné que nous sommes les gardiens de nos chiens et très franchement les maîtres de leur vie, les troubles du comportement sont toujours liés à l'environnement que nous leur offrons, la vie que nous leur faisons mener, aux interactions que nous avons avec eux.

Et tout comme pour les chiens, nos comportements servent une finalité. Quelle est la finalité que nous recherchons lorsque nous faisons entrer un chien dans notre vie?

Vivre avec un chien est contraignant par bien des aspects: sorties tous les jours, par tous les temps, organisation pour les vacances ou les week ends, budget à prévoir etc. Le motif de cette adoption est donc important à cerner, pour se lancer dans cette aventure, il doit être puissant.

Nous devrions tous nous demander " Mes motivations à avoir un chien sont elles compatibles avec le bien être de l'individu qui partage ma vie?"

Les propriétaires de chiens évoquent l'amour des animaux, la compagnie, le plaisir de s'en occuper, mais ceux sont des motivations vagues, des cases dans un questionnaire pour obtenir des statistiques exploitables. Si on y réfléchit vraiment, nos raisons sont toujours plus précises, personnelles et complexes. Et toutes, potentiellement, peuvent causer du tort à notre chien, ou à notre relation avec lui.

Avant d'aller plus loin, je tiens à préciser qu'il n'y a pas de raison plus noble, plus juste de vouloir vivre avec un chien (enfin évidemment il y a de mauvaises raisons, prendre un chihuahua pour imiter Paris Hilton est une très mauvaise raison). Il est important de rester honnête vis à vis de nous mêmes et d'accepter nos motivations telles quelles sont vraiment. Notre point de vue évoluera peut être, très certainement même, au cours du temps, mais aujourd'hui, à cet instant T, rien ne sert d'essayer de se changer. Pour cerner au mieux nos manquements et dérapages possibles, nous devons connaître au mieux ce qui nous anime.

Quelqu'un qui aura pris un chien pour avoir une présence à la maison négligera peut être le besoin de stimulation de son animal. Quelqu'un qui aura pris un chien pour offrir un partenaire de jeu à ses enfants oubliera peut être de leur apprendre à respecter ses périodes de tranquillité. Quelqu'un qui aura pris un chien pour aller à la Crufts d'agility mettra peut être trop de pression sur ce chien.

Autant de motivations que d'individus, autant de biais que de relations.
Le lien Homme-animal relève du passionnel, nos motivations sont très liées à nos émotions, à des dimensions psychologiques. Au delà des conséquences possibles de nos erreurs de jugement sur nos chiens, que se passera t il si leur comportement, voire leur personnalité, est en désaccord avec nos motivations? Parfois difficile de rester calme et rationnel lorsqu'on est heurté dans ce qui nous anime profondément.

J'ai des chiens parce que j'aime interagir avec eux. Dans des moments aussi simples qu'un câlin devant un film ou qu'une balade dans la forêt bien sûr, mais aussi et surtout, je suis une grande adepte de sports canins. Et ce désir d'interaction, si il a ses bons côtés (mes chiens ne s'ennuient pas) et aussi porteur d'un risque: si mon chien refuse d'interagir avec moi, quelle sera ma réaction? Dans mes débuts j'ai été injuste. J'ai déjà isolé Flappy parce qu'il refusait de travailler avec moi lors d'un cours d'obérythmée (sur les conseils de mon instructrice - et c'est un conseil largement répandu). A un moment j'ai cessé de tenter des choses avec Linux parce que sa crispation me frustrait.
Aujourd'hui j'ai grandi, j'ai appris et lorsque mes chiens me disent non, je m'arrête et je me pose des questions. Ma demande a t elle été comprise? Etait elle juste? Etait elle réalisable? Quid de l'environnement, de l’entrainement, de la journée qu'ils sont en train de passer.
La frustration n'a pas disparu. Ces moments m'apportent toujours autant, je les attends toujours autant. Mais comme je me suis un jour forcée à la gérer autrement que comme mes nerfs me le dictaient et j'ai pris du recul. D'abord j'ai couru, pas mal (j'avais beaucoup de frustration a évacuer), puis je me suis questionnée. Aujourd'hui j'évite de me mettre en difficulté en choisissant judicieusement les moments où je travaille avec mes chiens. J'ai plus de compétences qu'à une certaine époque, je me retrouve donc beaucoup plus rarement face à un mur mais cela me touche toujours autant.




Soyez conscients de qui vous êtes, soyez bienveillants avec vous même, c'est essentiel lorsque l'on a un tel impact sur la vie d'autrui.